segunda-feira, 9 de dezembro de 2013

O ESCRITOR E PESQUISADOR EM ANTROPOLOGIA ALI BABAR KENJAH E O SEU OLHAR SOBRE O ESPETÁCULO DINAHÍ.
MARSEILLE 2013

Le premier art
Francis Baiardi est une jeune chorégraphe de Manaus, capitale de l’Amazonie brésilienne, qui entretient avec Marseille et la Cie du Rêve de la Soie une intense relation de création qui ne cesse de nous émerveiller depuis Présences de Patrick Servius, récemment créée au théâtre Amazonia de Manaus, mais qui avait été longuement mûrie à l’ombrière du Vieux-Port. Programmée au Grenier du Corps, elle a ainsi prolongé l’enchantement en première partie de la diva Elsa Wolliatson, dont chaque apparition, désormais, constitue un événement. Et la Maîtresse n’a pas eu à rougir de l’élève, tellement celle-ci a impressionné et captivé un public qui ne s’attendait certes pas à une telle plongée au plus profond du monde de la Forêt et du Fleuve.
La création de Francis Baiardi s’intitule Dinahi et fait référence à la mythologie amérindienne d’une déesse de l’eau. Cependant l’ambition de cette création, encore en phase de maturation, est de transposer la permanence du mythe dans la réalité contemporaine, la réalité charnelle et émotionnelle d’une jeune amazonienne qui s’éveille à la conscience de sa présence au monde. Car si la Terre est un corps, l’humanité a désormais acté que l’Amazonie en est le poumon. La forêt de Francis est la respiration du monde. L’humanité entière porte désormais attention à la Grande Forêt sillonnée de fleuves. Mais qu’a donc, aujourd’hui, la Forêt si précieuse à nous dire (et qui-donc, forcément, engage le destin du monde) ? Et dans quel langage qui nous soit encore accessible ? Voilà deux questions que posent et proposent la performance de Francis, au sortir de ce ravissement qui nous déplace et nous replace au centre premier de la Création. La création du monde, la création de l’humain, la création d’une femme, la création d’un art...
Et d’abord la question du langage. Du haut de son aventureuse prédation coloniale, l’Occident a mis en scène les cultures du monde sous le label des « arts premiers ». C’est au renversement de cette perspective qu’invite, en premier lieu, l’expression de Francis. Avec elle, il s’agit non plus des « arts premiers », mais bel et bien du « Premier Art ». En dépit de toutes les distances, le langage intérieur que parle cette création chorégraphique fais écho en nous parce qu’il fait appel à un état premier que tout humain partage dans l’intimité et la mémoire atavique de son corps. Le premier art est l’art de la vérité. C’est un art, non du dévoilement (puisque rien n’a encore été voilé), mais du dévoilé. La vérité est nue. La vérité de la création est une mise à nu. A partir de là, le corps entame son ascension vers son humanité et la femme peut devenir l’Homme. « Je suis la Forêt », « Je suis la légende », « Soy Francis »... Le premier art est un art total. Tout y est intégré dans l’Un de la présence. Voyez les signes, et cet art tatoué de la plastique qui est un art plastique. Partagez le rituel initial et entrez dans le cercle initiatique qui vous ouvre les portes des premiers gestes et des premiers mots. Ecoutez la musique de l’eau qui féconde la vie luxuriante (la vie riant de ce luxe). Convenez à cette dramaturgie du théâtre de l’Histoire... Le premier art nous ramène au centre essentiel de toute chose, de tout geste, de toute pensée qui est création. 
Et c’est sans doute là l’inestimable message de la Forêt à nos métropoles prédatrices, là aussi la force du projet de Francis : celle de nous ramener à des choses essentielles, que nous avons enfouies – telles des braises finissantes – sous des artifices que nous essayons vainement de qualifier d’art... Des arts que nous reconnaissons « seconds » par opposition à ceux présentés au Quai Branly ; ces « arts premiers » qu’il nous faut impérativement envisager sous l’angle révolutionnaire d’un retour aux sources de nos humanités. Alors nous partagerons avec les « arts premiers » la vérité universelle du premier art... Celle qui sortira l’Autre de l’étrangeté de son statut d’étranger, en nous rendant « étrangers » à nous-mêmes pour mieux nous retrouver dans la nudité de notre commune destinée.




 

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